[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Introduit dans la région il y a environ vingt ans, le silure frappe les imaginations.
Il peut atteindre les 2,50 mètres de long et peser près d’un quintal. Est-ce la taille des plus gros silures qui enflamme l’imaginaire collectif ? Toujours est-il qu’on entend tout et son contraire sur ce poisson introduit au début des années 90 dans les cours d’eau de la région. Monstre vorace et agressif ou géant débonnaire ? La vérité est un peu plus nuancée.
Selon Jean-Pierre Proteau, scientifique et spécialiste du silure au Cemagref de 1987 à 2007, ce "carnassier opportuniste" ne présente "aucun danger pour l’homme". Et pour cause, il est pourvu d’une dentition qui se "rapproche plus de la bande Velcro que d’autre chose. J’en ai manipulé pendant des années lors de mes recherches et il ne m’est jamais rien arrivé. Les pêcheurs sortent les plus gros spécimens de l’eau en les attrapant à la main par la mâchoire inférieure", affirme le scientifique, rassurant, en appelant à "moins d’émotivité" sur le sujet.
"Ce poisson n’est pas un 'bouffeur' de chien"
Même son de cloche du côté de Jean-Luc Péréa, guide pêche à Mèze dans l’Hérault et grand pêcheur de silure devant l’Éternel : "C’est un poisson qui ne laisse personne indifférent, mais ce n’est pas un requin, ni un “bouffeur” de chiens. Il est plutôt craintif."
Pour Fabien Laurent - pêcheur de silure et ancien stagiaire de l’IRD Montpellier (Institut de recherche pour le développement) spécialisé dans le panga (siluridé élevé en Asie du sud-est) -, le seul moment où le silure l’impressionne "c’est pendant ses périodes de frénésie alimentaire durant lesquelles on peut voir des dizaines d’individus chasser en même temps". Le silure est "énorme mais pas méchant, tout juste curieux", affirme Fabien.
Dévoreur de pigeons
N’empêche qu’un silure s’en serait pris au moins une fois à une nageuse, en Suisse, il y a deux ans. Une agression que Jean-Pierre Proteau relativise : "S’il est avéré que c’est bien un silure, c’est de toute manière rarissime. Le seul moment où il peut se montrer agressif, c’est quand on s’approche d’un nid en période de reproduction. Le mâle joue alors son rôle de défenseur. " Ceux qui avouent à demi-mots barboter en eau douce avec une petite pointe d’anxiété, peuvent donc être raisonnablement et définitivement rassurés. En revanche, on l’a vu dévorer des pigeons et engloutir, à l’occasion, un caneton de passage, "comme le font les brochets", souligne Jean-Luc, le guide de pêche.
L’autre procès en sorcellerie que l’on fait à ce poisson, originaire d’Europe de l’est, c’est celui de se développer au détriment des espèces endémiques. Là encore, la réalité est nuancée. "C’est un prédateur, quand il a épuisé son milieu, il disparaît. Ça crée des cycles avec des pointes d’équilibre et de déséquilibre. L’impact du silure doit être observé sur une échelle de temps longue, affirme Jean-Pierre Proteau. Il est vrai que ce poisson est envahissant et qu’il concurrence d’autres espèces, mais un équilibre finira par se faire, comme pour le sandre", assure Jean-Luc Péréa, ajoutant : "Il est là, il faut faire avec." Selon Jean-Pierre Proteau, la réputation du silure est proche de celle du sandre dans les années 60 : "Un poisson implanté lui aussi et accusé, à l’époque, de tous les maux. Il est considéré aujourd’hui comme un poisson noble."
"Requin d’eau douce"
Le silure, futur aristocrate des rivières ? S’il arrive à perdre, auprès du grand public, son statut de "requin d’eau douce", pourquoi pas. D’autant que les qualités gustatives de sa chair pourraient mettre les derniers sceptiques de son côté. Il deviendrait une aubaine pour les pisciculteurs qui voudraient en intensifier la production. En effet, le silure possède, selon Jean-Pierre Proteau, "une capacité de croissance phénoménale à tel point que dans une eau à 26°C, ce poisson peut prendre, dans le meilleur des cas, jusqu’à 10 kg en un an". On n’a pas fini de parler du silure...
Au cas où vous seriez tenté par la pêche au mastodonte, voici la technique pour l'attraper !
SERRÉE "COMME DANS UN ÉTAU" PAR UN SILURE
Mardi 28 juin 2011, 20 h 30, Alexandra B., la quarantaine, nage dans une “gouille” (gravière) des îles de Sion (Suisse). Soudain, un silure l’attaque et la mord. Une agression rarissime pour ce poisson. Deux ans après cette mésaventure, elle s’est confiée à Midi Libre.
Comment s’est déroulée l’attaque ?
Je nageais la brasse, à 10 mètres du bord, depuis 15 minutes. Tout à coup, j’ai été mordue violemment, au côté droit, au niveau de la hanche.
Qu’avez-vous ressenti à ce moment-là ?
Tout s’est déroulé en une fraction de seconde. Il m’a serré comme dans un étau puis m’a relâché aussitôt. J’ai eu la sensation que je saignais.
Vous avez paniqué ?
Sur le moment, je me suis dit : "Il faut sauver ta peau." Je me suis demandée si je devais hurler ou pas. Comme j’étais isolée, j’ai dû regagner la plage seule. J’ai mis 6 à 10 minutes pour y arriver.
Pourquoi ne pas rejoindre la berge qui était à 10 mètres ?
Car entre la berge et moi il y avait des roseaux. J’avais peur d’avoir à les traverser pour regagner le rivage.
Finalement vous rejoignez la berge...
Dès ma sortie de l’eau, j’ai vu que j’avais une plaie circulaire. Un peu comme quand on s’est râpé contre un mur. Je me suis rendu compte que mon maillot était déchiré.
Vous cherchez de l’aide ?
Je suis allée désinfecter ma plaie au club de tennis. La dame qui m’a accueilli a téléphoné à son frère, spécialiste de la faune aquatique. Elle lui a décrit la nature de la blessure. D’après lui, ce ne pouvait être dû qu’à une attaque de silure. C’est ce qu’ont confirmé les pêcheurs avec qui j’ai discuté.
Aviez-vous pensé à un silure au moment de l’attaque ?
Pas du tout. C’est au club de tennis que j’en ai eu la preuve.
Des séquelles à la suite de cette mésaventure ?
La plaie s’est résorbée rapidement. Au bout de trois jours, encore stressée, je me suis dit : "Il faut que j’y retourne." Ce que j’ai fait. On peut dire que depuis, ça va.
Pensez-vous que ce poisson puisse être réellement dangereux ?
Je ne sais pas. Dans mon cas, je pense que j’étais au mauvais endroit au mauvais moment. C’est peut-être un réflexe de défense en période de reproduction. Qu’il soit agressif ou pas, je pense qu’il n’y a aucun danger en journée. Par contre, je ne conseillerais pas de baigner un jeune enfant, le soir, à l’écart, dans la gouille. Je ne retourne jamais à l’endroit où j’ai été attaquée.